Bonjour Pascal, pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours professionnel qui vous a mené à Cap Kaizen ?
J’ai réalisé une première partie de ma carrière dans le retail, elle était très opérationnelle avec en responsabilité des équipes à manager et toujours une même préoccupation : Comment lever les freins que l’équipe exprime et qui rendent difficile l’atteinte des objectifs fixés.
Après deux années de coupure pour concrétiser un projet personnel, ma deuxième partie de carrière en entreprise, toujours dans le retail se lance sur la voie de l’accompagnement des projets.
Je découvre alors le Lean Management dans le cadre d’un projet stratégique; A partir de cette expérience j’ai pu poser une philosophie et une approche structurée sur les pratiques que je mettais en œuvre de manière empirique.
C’est avec cette expérience, ces compétences développées en Lean Management et en conduite du changement que je me suis lancé ensuite en tant que coach indépendant.
J’ai ensuite recroisé le chemin de Bertrand De Graeve le fondateur de Cap Kaizen, nos valeurs communes nous rapprochaient et nous avons décidé de faire un bout de chemin ensemble…
Comment expliquez-vous à quelqu'un qui ne connaît pas le Kaizen en quoi cette démarche peut améliorer à la fois la qualité de vie au travail et la productivité d'une entreprise ?
Une démarche kaizen cherche en premier lieu à satisfaire le client par une qualité irréprochable, à repérer les obstacles qui empêchent la satisfaction du client et à développer les personnes notamment par leur capacité à résoudre par eux-mêmes les problèmes rencontrés
Mise en place avec le collectif (équipe, service, entreprise), la démarche Kaizen identifie et comprend les causes organisationnelles de non-performance, pour agir ensuite petits pas par petits pas, tous les jours avec le plus grand nombre de personnes.
La première étape d’une démarche Kaizen consiste toujours à observer les pratiques métier, identifier les processus en place, interviewer les clients sur leur niveau de satisfaction et écouter les salariés sur les freins qu’ils rencontrent au quotidien pour réaliser les tâches attendues.
C’est lors de cette phase d’observation et d’écoute que l’on identifie rapidement des sources de progrès potentielles en matière de productivité et de conditions de travail.
Citons par exemple les problèmes de qualité qui nécessitent de refaire des tâches plusieurs fois pour obtenir le résultat attendu, ils génèrent bien sûr de la non performance mais également une débauche d’énergie évitable pour les équipes.
Nous pouvons citer également les goulets d’étranglement dans les flux de marchandise pour les activités logistiques ou les goulets d’étranglement de flux de données dans les services, ces goulets d’étranglement allongent les délais de traitement du flux physique ou dématérialisé et donc génèrent de la non performance mais ils sont également une source de stress pour les équipes concernées constamment sous pression.
Il n’y a pas d’amélioration durable de la performance qui ne passe pas par l’amélioration des conditions de travail des équipes. Autrement dit, si la démarche kaizen n’intéresse pas les personnes concernées, il y a peu de chance qu’elle soit pérenne. Avec les équipes et les managers, nous allons privilégier le fait d’introduire les améliorations par des petits gestes quotidiens plutôt que d’intégrer des changements radicaux qui pourraient déstabiliser les salariés.
L’idée n’est pas de faire courir plus vite les personnes, mais de leur permettre de travailler différemment pour améliorer la qualité, les délais, les couts, la satisfaction des clients tout en faisant progresser leur bien-être et ce pas à pas.
Quels sont les indicateurs clés que vous utilisez pour mesurer l'impact d'une démarche Kaizen sur la qualité de vie au travail et la performance d'une entreprise ?
Tout comme il est important de mesurer les progrès accomplis en matière de performance, il est important effectivement de mesurer les impacts en matière de conditions de travail.
Notre démarche consistant à simplifier la vie de l’entreprise que nous accompagnons, afin de mesurer l’impact de notre démarche Kaizen nous utilisons s’ils existent les indicateurs pilotés par l’entreprise.
A défaut nous identifions des indicateurs qui sont en lien direct avec ce sur quoi l’entreprise veut s’améliorer dans le cadre la démarche Kaizen.
Ce peut être le lead-time d’un flux, un taux sur le suivi de la qualité produite, un indice de satisfaction client ou encore une mesure de productivité.
En ce qui concerne la qualité de vie au travail concrètement la mesure d’indicateurs peut être le fruit d’une enquête qui est déjà institutionnalisée dans l’entreprise.
Si ce n’est pas une pratique de l’entreprise nous passerons par une enquête simple en fin d’accompagnement essentiellement tournée sur les conditions dans lesquelles la démarche a été vécue par les équipes et son ressenti sur les progrès réalisés ou prévisibles.
Prévisibles car ne l’oublions pas, une démarche Kaizen, d’amélioration continue donc, s’inscrit dans le temps et produit des résultats progressifs mais durables.
Sur une démarche long terme nous pouvons avoir recours aux indicateurs classiques que sont le taux d’absentéisme, le taux d’accidentologie lorsque nous traitons les flux physiques par exemple.
Pouvez-vous nous donner un exemple concret où la mise en place du Kaizen a transformé une situation initialement problématique en une réussite ?
Je peux vous citer l’accompagnement que j’ai réalisé sur une problématique d’amélioration de la qualité du service à emporter dans le domaine du bricolage.
L’attente des représentants de l’enseigne était d’améliorer le niveau de satisfaction client du service à emporter en travaillant sur la qualité de la préparation des commandes suivant deux axes : La complétude de la commande et le respect de date d’enlèvement. L’indicateur de suivi existait dans l’entreprise.
Après nos premières observations nous avons pu constater que derrière cet objectif de performance à faire évoluer, se cachaient de multiples problèmes.
Les zones de préparations de marchandises étaient surchargées, avec des flux sortants et entrants qui se croisaient, générant des risques physiques pour les opérateurs et des tensions entre les différents acteurs concernés par le processus, allant de l’employé du rayon jusqu’aux employés du pôle service client.
Après avoir aidé l’équipe à mettre en place les améliorations nécessaires, au-delà de la transformation visuelle de la zone de préparation, le taux de préparations complètes et à l’heure est passé de 75% à 95% .
En parallèle de ce résultat, le retour des équipes était très positif parce qu’elles étaient parties prenantes dans les réflexions et les actions. La zone était désormais moins chargée, mieux sécurisée et moins source de tension entre les uns et les autres.
Ce retour positif des équipes s’est confirmé par la suite après une enquête faisant ressortir un Net Promotor Score (niveau de satisfaction) de 76, ce qui est un excellent score.
La résistance au changement est souvent un obstacle majeur. Quelles sont vos stratégies pour surmonter les réticences des employés et des managers lors de l'introduction d'une démarche Kaizen ?
« La prise de conscience est le plus grand facteur de changement » c’est Eckhart Tolle, écrivain et conférencier canadien qui nous le rappelle.
La mise en place d’une démarche kaizen est soumise à la même exigence, l’étape du diagnostic et le partage des résultats de ce dernier avec les acteurs concernés est une étape clé.
Cette phase durant laquelle nous constatons collectivement que des problèmes existent, qu’ils sont générateurs de perte de temps, de profit et de sérénité, permet à l’équipe de s’approprier l’idée qu’il est possible de faire différemment en évitant le piège de vouloir aller rapidement à des solutions toutes faites.
Ensuite les étapes pas à pas, le fait de « casser les problèmes en plus petit » permettront d’initier des premiers progrès et donc des premiers motifs de satisfaction qu’il conviendra de valoriser. Il vaut mieux 1% d’amélioration maintenant que 100% un jour.
L’appui d’un sponsor influent et des managers dans la démarche fait également partie des conditions de réussite, les petites améliorations s’adressent à tous.
Enfin n’oublions pas qu’une démarche Kaizen s’inscrit dans le temps, il faut s’abstenir de vouloir capter des résultats avant de s’être assuré de la stabilité des progrès mis en place.
Comment la démarche Kaizen prend-elle en compte les spécificités culturelles et organisationnelles des entreprises avec lesquelles vous travaillez ?
La culture d’une entreprise est un élément clef à prendre en compte, j’ai eu l’expérience de voir des transformations complétement avortées parce que le projet initié avait complètement ignoré cet aspect.
J’ai en tête un projet qui venait plaquer un modèle organisationnel spécialisant les métiers, les scindant dans leurs tâches, en enlevant une grande part d’autonomie aux salariés concernés dans une entreprise dans laquelle la responsabilisation, la confiance étaient pourtant des moteurs d’engagement fort.
Les résultats furent désastreux à la hauteur de ce manque de prise en compte de l’existant.
Dans une démarche Kaizen la première étape est toujours la compréhension d’un état des lieux existant, que ce soit en matière d’organisation ou de pratiques managériales.
Cet état des lieux se fait par le diagnostic mais également par un gros travail d’écoute des salariés et des dirigeants, sur leur histoire, sur les éventuels changements déjà initiés et avortés…c’est ce qui en fait sa force.
À votre avis, comment la démarche Kaizen va-t-elle évoluer dans les prochaines années, surtout avec les changements rapides dans les environnements de travail et les avancées technologiques ?
Il est vrai que des changements rapides s’opèrent au gré des progrès technologiques ils sont souvent au profit d’une accélération et d’une augmentation de la mise à disposition de données à traiter.
Si ces avancées génèrent des progrès par exemple dans la connaissance de l’expérience client ou de l’expérience collaborateurs, elles amènent avec elles leurs lots de nouvelles contraintes ou pratiques.
Une démarche Kaizen prend en compte ces nouveaux environnements digitaux par exemple en rendant visible les processus liés au flux de données, ensuite une fois ces flux rendus visibles, la démarche se rapproche de celle utilisée pour un flux de marchandises en s’attachant à améliorer la fluidité et en levant les freins rencontrés par l’équipe.
Sans en faire une généralité, la mise à disposition des indicateurs opérationnels dans les mains de directions générales génèrent parfois, souvent… un court-circuitage du middle management et a tendance à éloigner les décisions de la réalité du terrain et du client.
Sur le fond la démarche Kaizen va conserver tout son intérêt, celui-ci va peut-être même s’accroître car sa vertu première est de tourner tous les regards vers la satisfaction client et la réalité du terrain au quotidien avec les équipes.